Quand les souvenirs débordent : comment écrire son autobiographie sans se perdre
Quand la mémoire s’invite toute entière
Tu t’assois pour écrire.
Le carnet est ouvert, le stylo prêt.
Et soudain, une odeur, un mot, un bruit venu de dehors…
Des images affluent par vagues :
— Le jour où tu as quitté ta maison d’enfance.
— Le parfum des draps séchés au soleil chez ta grand-mère.
— La dispute qui t’a laissé·e sans voix pendant des années.
— Les rires, les silences, les gestes oubliés qui reviennent comme s’ils avaient attendu derrière une porte.
Ces souvenirs se pressent, se bousculent, s’interrompent. Tu ne sais plus par où commencer. Chaque phrase t’ouvre une autre porte, et bientôt tu te retrouves au milieu d’un labyrinthe de mémoire.
Écrire son autobiographie, ce n’est pas seulement se souvenir : c’est apprendre à naviguer dans sa mémoire, à choisir ce que l’on garde, et à déposer le reste en douceur.
Trop de souvenirs peuvent paralyser autant qu’un vide de mémoire. Le risque ?
Se perdre dans les détails, s’épuiser avant même d’avoir trouvé le fil de son récit.
Dans cet article, je t’accompagne pour comprendre pourquoi cette sensation de débordement survient… et comment la transformer en un atout, plutôt qu’en un obstacle.
Pourquoi les souvenirs affluent quand on écrit
L’effet “barrage qui cède”
Commencer à écrire, c’est comme soulever la bonde d’un barrage. Pendant des années, tes souvenirs ont été stockés, organisés ou même enfouis. Mais l’acte d’écrire leur donne un signal : “C’est le moment, tu peux sortir.”
Ce phénomène est lié à la mémoire associative : un souvenir en appelle un autre, qui en appelle un autre. Tu écris sur ton premier appartement… et voilà que ressurgit la conversation avec ta voisine, puis le goût du café bu sur le balcon, puis une dispute vieille de vingt ans.
L’ancrage émotionnel
Les souvenirs chargés d’émotion sont comme des aimants. Ton cerveau les “priorise” car ils sont liés à une intensité qui réclame ton attention.
C’est pour cela que certains épisodes reviennent avec une clarté presque douloureuse, alors que d’autres, plus neutres, restent flous.
Le besoin de tout dire
Au début d’un projet autobiographique, on craint d’oublier. On veut tout noter, tout de suite, comme si chaque instant pouvait s’effacer à jamais. Ce réflexe est naturel… mais il entraîne souvent un désordre épuisant.
Les risques de se laisser déborder
Perdre le fil
Sans cadre, tu passes d’un souvenir à l’autre sans lien clair. Tu écris trois pages sur ton adolescence, puis sautes à un voyage récent, puis à l’enfance de tes enfants… et tu ne sais plus comment relier ces morceaux.
S’épuiser émotionnellement
Certains souvenirs ne se contentent pas de revenir : ils réactivent des blessures. Enchaîner ces scènes sans respiration peut te laisser vidé, nerveux, voire découragé.
L’abandon par saturation
Paradoxalement, beaucoup de projets d’écriture échouent non par manque d’idées… mais par excès d’idées. Trop de matière, pas de tri… et l’envie s’éteint.
Accueillir le flot sans se noyer
Tout noter… mais pas tout traiter
Accorde-toi un carnet de déversement : un espace où tu écris tout ce qui vient, sans chercher l’ordre ni la perfection. Ces pages sont ta réserve.
Quand tu travailles sur ton récit, tu pioches dedans ce qui correspond à ton fil du moment.
Utiliser des déclencheurs ciblés
Plutôt que de laisser les souvenirs arriver au hasard, pars d’une consigne précise :
— Un lieu (la cuisine de ton enfance).
— Une personne (un ami perdu de vue).
— Un objet (un carnet, une robe, un vélo).
Ces points d’ancrage réduisent les ricochets incontrôlés et te permettent d’explorer en profondeur un souvenir à la fois.
Instaurer des limites
Fixe un périmètre clair :
“Aujourd’hui, j’écris sur ce voyage à Rome, rien d’autre.”
Les autres souvenirs attendront leur tour, notés dans ton carnet de réserve.
Organiser sa mémoire pour écrire
La ligne du temps
Trace une frise chronologique sommaire. Même imparfaite, elle devient une carte. Tu peux ensuite décider de suivre l’ordre ou de naviguer par sauts temporels, mais tu sauras toujours “où” tu es.
Les blocs thématiques
Classe tes souvenirs par grands thèmes :
- Famille
- Amours
- Voyages
- Travail
- Épreuves
- Joies
Avancer par “zones” te donne une vision d’ensemble et réduit la confusion.
L’art du tri
Tout ne figurera pas dans ton autobiographie. Et c’est très bien ainsi.
Ce que tu écartes n’est pas perdu : c’est du matériau pour d’autres récits, articles ou ateliers.
Transformer le débordement en allié
Le flot de souvenirs est une preuve que ta mémoire est vivante.
Plutôt que de lutter contre lui, considère-le comme une matière première abondante.
Ton rôle d’auteur·e est de façonner cette matière, comme un sculpteur qui taille dans un bloc de pierre pour révéler la forme.
Astuce Psychoplume :
Quand un souvenir surgit hors sujet, ne le rejette pas. Note-le dans une colonne “plus tard” de ton carnet. Tu lui offres une place, ce qui te permet de revenir à ton texte principal.
Écrire pas à pas
- Séances courtes et régulières : mieux vaut écrire 20 minutes par jour que 3 heures une fois par mois.
- Un thème par séance : protège-toi du saut permanent entre époques.
- Relecture différée : laisse passer quelques jours avant de relire, pour voir ce qui mérite d’être intégré.
Se protéger émotionnellement
Écrire, c’est aussi revisiter des zones sensibles.
- Prévois un rituel de clôture : une promenade, un thé, un appel à un ami.
- Évite d’écrire juste avant de dormir si le sujet est lourd.
- Alterner souvenirs doux et épisodes difficiles pour maintenir ton énergie.
Conclusion : Ton histoire mérite de l’espace et du temps
Quand les souvenirs débordent, ce n’est pas un signe de désordre… c’est le signe que la porte est ouverte.
À toi de décider qui entre, et dans quel ordre.
Ne cherche pas à tout dire d’un coup. Accueille, trie, tisse.
Ton récit n’a pas besoin d’être une accumulation : il peut être une composition choisie, fidèle à ton vécu tout en restant lisible et vivable pour toi.
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8 commentaires
Laura
Ta manière de dédramatiser ce “trop plein” de souvenirs est vraiment précieuse. Tu transformes ce qui pourrait décourager en une vraie richesse, et tes outils pratiques (comme le carnet de déversement ou les déclencheurs ciblés) donnent confiance pour avancer sans se perdre. Merci Olivia.
Edouard Le Minor
J’aime la façon dont tu transformes le débordement de souvenirs en ressource plutôt qu’en obstacle. Tes conseils donnent envie de se lancer en écrivant pas à pas, avec plus de clarté et de douceur. Merci pour cet article 🙏
Magalie Vernet-Hanotaux
J’ai commencé à rédiger mon autobiographie il y a 3 ans. J’avais besoin de faire le point. Et je me suis arrêtée pour toutes les questions que tu évoques avec beaucoup de justesse : le trop plein d’émotions et de souvenirs que je ne savais pas « traiter », l’absence de cadres, l’envie de tout écrire.
Je m’y remettrai un jour. Et je commencerai par rédiger une frise chronologique comme tu le suggères. Merci pour ton article empli de bienveillance 🙏
Beni d'Éveil des hypersensibles
Merci Olivia pour ton article très pratique ! 🙏 J’ai particulièrement aimé l’idée du carnet de déversement : un espace dédié à tout noter, sans chercher à tout organiser tout de suite. Et aussi les déclencheurs ciblés, comme partir d’un lieu, d’un objet ou d’une personne, pour donner un point d’ancrage à l’écriture. J’ai commencé à écrire mon autobiographie et puis j’ai laissé tomber car je ne savais plus comment continuer. Cet article me donne envie de reprendre l’écriture de façon plus structurée !
Valérie Matime
Écrire l’autobiographie de mes grands-parents est un rêve qui me tient à cœur, et vos conseils m’encouragent à me lancer avec confiance et bienveillance. Merci
Sylvie
Merci pour ces conseils concrets! Tu m’as donné envie de me remettre à l’écriture de mon documentaire en suivant quelques unes de tes consignes…
Bénédicte
Quelle mine de conseils! Merci.
Oui, beaucoup de projets ont échoué non par manque d’idées… mais par excès d’idées.
Trop de matière, pas de tri… et la tristesse de voir toutes ces possibilités non abouties. J’ai commencé beaucoup de textes sans les terminer 🙁.
Rémi
Tu as ce don d’apaiser avec des mots, Olivia. Quand tu écris « Commencer à écrire, c’est comme soulever la bonde d’un barrage », on ressent pleinement ce puissant lâcher-prise — c’est à la fois visuel et profondément juste. J’adore comment tu transformes ce débordement de souvenirs en une richesse à apprivoiser, avec douceur et méthode. Merci de proposer des outils concrets qui donnent envie d’oser écrire, pas à pas — c’est vraiment précieux 😉