Le pacte autobiographique : oser se dire à soi-même et aux autres
Écrire sa vie, c’est franchir une frontière invisible.
Ce n’est pas seulement accumuler des souvenirs, ni aligner des dates. C’est accepter de se montrer tel que l’on est — ou tel qu’on se perçoit aujourd’hui.
Derrière chaque récit de soi se cache une promesse, parfois consciente, parfois muette : « Je vais dire vrai. » Vrai à ma manière, avec mes mots, mes silences, mes hésitations.
Cette promesse n’est pas un détail. Elle est au cœur de l’autobiographie. C’est ce que le critique Philippe Lejeune a nommé en 1975 le pacte autobiographique : un engagement entre celui qui écrit et celui qui lit, mais aussi un dialogue intime avec soi-même.
Avant même de poser la première phrase, tu entres déjà dans ce pacte. Et c’est de lui que dépendra la confiance de ton lecteur — et ta propre confiance dans ton texte.
Le pacte autobiographique selon Philippe Lejeune
Philippe Lejeune, dans Le Pacte autobiographique (1975), explique que l’autobiographie repose sur un principe simple : l’auteur, le narrateur et le personnage principal ne font qu’un.
Contrairement au roman, où l’auteur peut inventer, l’autobiographie repose sur une promesse de sincérité : le « je » est bien celui qui écrit.
Exemples littéraires
- Jean-Jacques Rousseau, dans Les Confessions, proclame : « Je veux montrer à mes semblables un homme dans toute la vérité de la nature. » Mais il reconstruit, dramatise, parfois enjolive. Déjà, la vérité est une mise en scène.
- Simone de Beauvoir, dans Mémoires d’une jeune fille rangée, raconte sa jeunesse mais éclaire aussi toute une époque. Son « je » devient un « nous ».
- Annie Ernaux, dans Les Années, mêle son récit intime et la mémoire collective. Elle efface presque son individualité pour dire la condition d’une génération.
- Georges Perec, dans W ou le souvenir d’enfance, assume ses trous de mémoire. L’aveu d’oubli devient une sincérité.
- Nathalie Sarraute, dans Enfance, écrit en se contredisant elle-même. Une voix dit, l’autre corrige. Elle montre que le pacte est aussi un combat intérieur.
- Knausgaard, dans Mon combat, radicalise l’engagement en écrivant presque tout, jusqu’au quotidien le plus banal.
📌 Astuce PsychoPlume : Lis quelques pages d’autobiographies différentes. Demande-toi : qu’est-ce qui me touche ? Est-ce la précision des souvenirs, la sincérité des aveux, ou la manière dont l’auteur assume ses zones d’ombre ?
Un double pacte : avec les autres et avec soi-même
Pacte avec les autres
Le lecteur attend une promesse : que le texte sera sincère.
Pas exact au détail près. Pas parfait. Mais vrai dans l’intention.
- Trop enjoliver brise la confiance.
- Dissimuler volontairement éloigne le lecteur.
- La cohérence du ton compte plus que l’exactitude factuelle.
Pacte avec soi-même
Le plus difficile : écrire sans se fuir.
- Accepter les contradictions.
- Oser dire ce qui dérange.
- Nommer ses blessures.
Écrire son autobiographie, c’est affronter son propre miroir.
📌 Consigne d’écriture : écris une scène de ta vie que tu n’as jamais racontée. Puis relis-la et demande-toi : « Qu’est-ce que ce texte révèle de moi ? »
Dire la vérité en autobiographie : est-ce possible ?
Mémoire sélective
La mémoire n’est pas une caméra. Elle reconstruit. Elle oublie. Elle invente parfois. Deux frères racontant la même enfance auront deux récits différents.
Mémoire traumatique
Certains souvenirs sont fragmentés, flous, ou effacés par protection. Écrire une autobiographie, c’est aussi écrire autour des silences.
Réinterprétation
Chaque souvenir est re-coloré par l’adulte que tu es devenu. C’est inévitable. C’est même précieux.
La vérité comme sincérité
La vérité autobiographique, c’est écrire avec honnêteté :
« Je ne me souviens plus exactement. »
« Il me semble que… »
Ces phrases ne fragilisent pas ton récit : elles l’humanisent.
📌 Question PsychoPlume : quand tu écris ce souvenir, es-tu en train de chercher l’exactitude… ou la sincérité ?
Les peurs liées au pacte autobiographique
Écrire sa vie, c’est ouvrir une porte. Et aussitôt les peurs entrent.
- La peur du jugement : « Que vont penser mes proches ? »
- La peur d’être mal compris : que mon récit soit caricaturé, réduit à un cliché.
- La peur de se confronter à soi : écrire, c’est parfois rouvrir des cicatrices.
Ces peurs sont normales. Elles disent que l’écriture touche juste.
📌 Consigne PsychoPlume : écris un souvenir douloureux au présent, comme s’il se déroulait maintenant. Puis réécris-le au passé, en ajoutant : « Aujourd’hui, je comprends que… ».
Honte, culpabilité et secret familial
Trois grands obstacles surgissent souvent dans l’écriture autobiographique.
La honte
La honte est cette voix qui murmure : « Personne ne doit savoir. » Elle paralyse la plume. Mais écrire, même en secret, permet parfois de la transformer en dignité retrouvée.
La culpabilité
Écrire sa vie, c’est aussi écrire sur les autres. Beaucoup se demandent : « Ai-je le droit de raconter ce qui ne m’appartient pas totalement ? » La culpabilité peut être contournée par des choix narratifs : changer les prénoms, écrire à la 3e personne, ou assumer clairement la subjectivité.
Le secret familial
Chaque famille porte ses zones d’ombre. L’autobiographie les confronte. Écrire, ce n’est pas forcément révéler tout : c’est parfois nommer le silence lui-même.
📌 Consigne PsychoPlume : écris une scène honteuse ou secrète à la 3e personne (« il » ou « elle »). Puis réécris-la en « je ». Observe ce qui change.
Autobiographie et mémoire familiale : écrire pour transmettre
L’autobiographie n’est pas seulement intime. C’est aussi un legs.
Écrire pour ses proches
Beaucoup écrivent pour laisser une trace à leurs enfants, petits-enfants, arrière-petits-enfants. Non seulement des faits, mais une manière de voir la vie.
Témoigner d’une époque
Ton récit personnel est aussi une archive pour la société : la guerre, l’exil, les mutations sociales. Ce que tu écris devient un fragment de mémoire collective.
Cas concret
Une femme de 70 ans écrit pour ses petits-enfants. Elle raconte son enfance sans électricité, et sa première télévision en 1968. Son récit intime devient une fresque d’époque.
📌 Exercice PsychoPlume : choisis 10 objets de ta vie. Raconte pour chacun un souvenir. Ensemble, ils dessinent déjà ton autobiographie.
Comment assumer ce pacte dans son écriture ?
- Clarifie ton intention : écrire pour guérir ? Transmettre ? Comprendre ?
- Définis ton destinataire : toi-même, ta famille, ou des lecteurs inconnus.
- Ne censure pas le premier jet : écris tout, trie plus tard.
- Assume les zones floues : « je crois que… », « il me semble… ».
📌 Astuce PsychoPlume : écris une préface intérieure. Trois phrases pour te guider :
- « Je promets de… »
- « Je choisis de ne pas… »
- « Je m’autorise à… »
Exercices pratiques pour écrire son propre pacte autobiographique
- La promesse écrite
Commence une page par : « Je te promets que… ».
Adresse-toi à toi-même, à un proche, ou à ton futur lecteur. - Les trois vérités
Fais trois colonnes :
- Ce que je sais avec certitude.
- Ce dont je doute.
- Ce que je n’ai jamais osé dire.
Écris une page pour chaque.
- La lettre impossible
Écris à une personne à qui tu n’as jamais parlé. Tu ne l’enverras pas. Mais la lettre existe. - Le souvenir fragmenté
Écris un souvenir incomplet. Note ce que tu sais, ce que tu ignores, et ce que tu imagines. - L’arbre des souvenirs
Dessine un arbre. Les branches : famille, amour, travail, épreuves, voyages… Sur chaque branche, inscris des souvenirs. Tu verras apparaître ta forêt intérieure.
Conclusion : écrire sa vérité en toute sincérité
Le pacte autobiographique n’est pas un carcan littéraire. C’est une promesse intime.
- Avec les autres, il crée la confiance.
- Avec soi-même, il ouvre un chemin de vérité intérieure.
- Avec ses descendants, il devient un legs de mémoire.
Écrire son autobiographie, ce n’est pas tout dire. C’est dire avec sincérité.
Pas écrire sans faille, mais écrire sans trahir.
📌 Astuce PsychoPlume : commence aujourd’hui par écrire ton propre pacte. Même une phrase. Même quelques mots. Ils seront ta boussole.
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