hypersensibilité
Psychologie

Et si nous étions tous sensibles ? — Repenser l’hypersensibilité autrement

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Introduction : Et si ce n’était pas une étiquette ?

Il y a des jours où tout semble plus intense.
Une remarque de travers te fait pleurer.
Un souvenir t’envahit au feu rouge.
Un regard trop appuyé te coupe les jambes.
Tu te dis que tu es “trop”.
Trop fragile, trop intense, trop poreuse.
Tu lis quelque part que tu es “hypersensible”.
Et ça te rassure… un peu.

Mais si, au fond, cette sensibilité n’était pas un “trop”, mais un encore ?
Si ce que tu ressens n’était pas un excès, mais une manière vivante d’habiter le monde ?
Et si l’hypersensibilité n’était pas un diagnostic… mais un refus d’être anesthésié·e ?

Aujourd’hui, ce qu’on appelle hypersensibilité est parfois présenté comme une étiquette voire un diagnostic. Mais que dit vraiment ce mot ? Et que dit-il de notre époque, qui semble plus à l’aise avec le contrôle qu’avec le frémissement ?

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Ce que le mot « hypersensibilité » recouvre — et ses confusions

L’usage courant en fait un profil atypique : plus émotif, plus fragile, plus touché. On entend souvent :

“Je suis hypersensible, je dois me protéger.”

Cette phrase contient déjà un diagnostic implicite et une stratégie de retrait.

Mais ce mot recouvre à la fois des styles de personnalité, des fonctionnements neurologiques, des séquelles de traumatisme ou de négligence affective, voire des choix de vie assumés.

« Il y a dans ce mot comme un trop-plein — trop sentir, trop pleurer, trop vibrer. Mais la question est peut-être ailleurs : pourquoi devrions-nous tant contrôler ce que nous ressentons ? »

Ce que disent les recherches scientifiques sur l’hypersensibilité

Le terme « hypersensibilité » n’est pas reconnu dans les classifications cliniques internationales (DSM-5, CIM-11). Mais plusieurs champs de recherche croisent cette notion sous d’autres formes :

  • Sensory Processing Sensitivity (SPS) : Théorie proposée par Elaine Aron, qui parle de Highly Sensitive Persons (HSP). Elle estime que 15 à 20 % des gens traitent plus profondément les stimuli sensoriels et émotionnels. Théorie intéressante mais non validée biologiquement à ce jour.
  • Réactivité émotionnelle élevée : Certains profils (HPI, troubles de l’humeur, neurodivergents) montrent une plus grande intensité émotionnelle mesurable.
  • Troubles de régulation émotionnelle : Dans les cas de TDAH, troubles anxieux, ou borderline, l’émotion n’est pas plus présente, mais moins régulée.
  • Hyperesthésie sensorielle : Observée dans le TSA, les traumas, ou le stress chronique.

📌 En résumé : le mot « hypersensibilité » mélange neurologie, histoire de vie, régulation émotionnelle et traits tempéramentaux. C’est aussi un indicateur culturel de notre difficulté à penser la richesse émotionnelle sans l’encadrer.

Et si nous étions tous sensibles — mais pas au même moment ?

Et si l’hypersensibilité n’était pas une anomalie, mais une capacité humaine universelle, que certains ont simplement gardée plus vivace ?

Ce qui est rare, ce n’est pas de ressentir. C’est de s’autoriser à ressentir dans un monde qui valorise le contrôle, l’efficacité, la rationalisation.

Certains ont refermé les vannes très tôt. D’autres les ont laissées entrouvertes. Et quelques-uns ont rouvert le robinet après des années de gel. C’est une question de permission intérieure.

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Plusieurs études sur le trauma, la résilience émotionnelle, ou la plasticité affective montrent que l’émotion n’est pas un trait figé, mais un état mouvant, dépendant du contexte, des apprentissages, et des espaces d’expression disponibles.

Réhabiliter l’émotion : de la survie au vivant

Dans les neurosciences affectives (Damasio, LeDoux), on apprend que l’émotion est une fonction adaptative. Elle est au service de la survie, de la prise de décision, de la cohérence interne.

Réprimer l’émotion, c’est perdre un outil de régulation, pas gagner en efficacité.

Des thérapeutes comme Carl Rogers, ou les courants de pleine conscience et d’acceptation (ACT) insistent : accueillir l’émotion est une preuve de maturité psychique, non une faiblesse.

La société actuelle, en revanche, tend à pathologiser ce qui déborde, ce qui vibre, ce qui prend du temps. Des chercheurs comme Vinciane Despret ou Eva Illouz ont montré que nous vivons sous le règne du self-management émotionnel : être professionnel, c’est “gérer”, “canaliser”, “maîtriser”.

Mais dans cette injonction au contrôle se perd la puissance de vie que porte chaque frémissement.


Une autre lecture : hypersensibilité ou humanité ?

Certaines personnes vivent leur sensibilité comme une charge. Elles sont submergées, en alerte constante, vulnérables. Mais ce vécu peut aussi être la conséquence d’un contexte blessant ou non sécure : trauma, rejet, manque d’attachement, stress chronique, isolement émotionnel…

Il est alors logique que leur système émotionnel devienne plus affûté, plus fragile, plus vif. Ce n’est pas un trait héréditaire, mais une adaptation du vivant à la blessure. C’est la sensibilité comme signal de survie.

Mais cette sensibilité, une fois accueillie, peut aussi devenir une force de connexion, de création, d’empathie. Elle n’a pas à être rangée dans une case. Elle peut être vécue, apprivoisée, déployée.

Et si la vraie question n’était pas “suis-je hypersensible ?” mais “où, quand et comment puis-je être sensible sans honte ni retrait ?”

L’écriture comme espace de transmutation

L’écriture permet de déposer l’émotion, sans qu’elle déborde ni s’efface. Elle canalise sans enfermer. Elle accueille sans juger. Elle trace des formes là où le chaos menaçait.

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Pour beaucoup de ceux qui se disent sensibles, l’écriture devient un lieu refuge, mais aussi un lieu d’expression libre. Un espace pour vivre l’émotion sans la réduire ni la censurer. Une manière de ne plus avoir à s’excuser.

En résumé : une grille de lecture plus large

Vision classiqueVision incarnée et évolutiveAlignement scientifique
Hypersensibilité = trouble ou fragilitéSensibilité = vitalité, porosité humaine✔ Oui, si on sort du modèle médical
Il faut se protéger de ses émotionsIl faut leur faire place✔ Oui, avec les approches ACT/pleine conscience
C’est un trait stable, héréditaireC’est un état modulable selon l’environnement✔ Oui, si on inclut trauma et neuroplasticité
C’est une exception marginaleC’est un potentiel humain commun✔ Oui, selon une approche socio-affective

Conclusion : Ne plus demander pardon d’être sensible

L’émotion n’est pas un défaut. Elle est la preuve que nous sommes en lien. Quand tu frémis, c’est que tu perçois. Quand tu pleures, c’est que quelque chose t’importe.

« La question n’est pas de savoir si tu es trop sensible, mais si tu as assez d’espace pour être traversé·e sans te trahir. »

« L’hypersensibilité” est un droit, plus qu’un diagnostic.

Un droit à ressentir. À vibrer. À être pleinement vivant·e.

Consigne d’écriture

Prends un moment pour toi, dans un espace calme. Puis écris librement à partir de cette invitation :

« Quand est-ce que je me suis senti·e trop sensible ? Et si, ce jour-là, ma sensibilité n’était pas un problème, mais une réponse juste ? »

Tu peux aussi partir d’une sensation, d’un souvenir ou d’un moment où ton émotion a été jugée, par toi ou par les autres. Que se passerait-il si tu changeais de regard sur cette scène ? Si tu réhabilitais ce frisson, cette larme, cette résonance ?

Écris sans chercher à analyser. Laisse venir ce qui vient. Ce n’est pas une explication que tu cherches : c’est une trace vivante.

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Psychologue et écrivain, je partage dans mon site des articles sur l'écriture thérapeutique.

Un commentaire

  • Magalie Vernet-Hanotaux

    Quel bel article Olivia ! Riche en ressources et conseils de lectures, sans être trop pointu.
    Je crois aussi que la sensibilité est une forme de puissance. Je dirais que c’est un potentiel humain « hors du commun ». Mais le chemin est long pour l’apprivoiser.
    Parmi mes clients « gentils », beaucoup sont hypersensibles. Et je suis certaine que l’écriture leur apporterait beaucoup.

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