Ecrire seul ou accompagné
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Écriture thérapeutique : écrire seule ou être accompagnée, quelle différence ?

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Il arrive souvent que l’on commence à écrire sans projet précis, presque sans intention formulée, simplement parce qu’à un moment donné quelque chose, à l’intérieur, cherche un espace pour se poser, pour se dire autrement que dans la pensée, autrement que dans le silence, autrement aussi que dans la parole adressée à l’autre.

Beaucoup de personnes écrivent ainsi depuis longtemps, parfois depuis l’enfance ou l’adolescence, parfois plus tard, dans un moment de bascule, de fatigue intérieure, de crise ou de transition, avec cette intuition diffuse que l’écriture leur permet de tenir, de respirer un peu mieux, de faire circuler ce qui, autrement, resterait coincé à l’intérieur.

Et bien souvent, cette intuition est juste.

Écrire seul peut déjà faire beaucoup.
Mais, tôt ou tard, une question apparaît, rarement de manière frontale, plutôt sous la forme d’un léger trouble, d’une sensation de répétition, ou d’un sentiment que malgré l’écriture quelque chose reste en suspens, comme si le mouvement s’arrêtait toujours au même endroit.

Alors la question se pose, parfois sans mots :
est-ce que cela suffit ?
Et surtout : qu’est-ce qui change lorsque l’écriture n’est plus seulement solitaire, mais accompagnée ?

Écrire seule : un espace à soi, nécessaire, parfois fondateur

Écrire seul n’est ni une erreur, ni une pratique incomplète, ni une étape à dépasser coûte que coûte.
Pour beaucoup, c’est même le premier espace réellement sûr, le premier lieu où il devient possible de déposer ce qui déborde sans avoir à se justifier, à expliquer, à être comprise ou validée.Quand on écrit seul, l’écriture joue d’abord une fonction de dépôt psychique.


On écrit pour sortir de la tête ce qui y tourne en boucle, pour alléger une tension intérieure, pour donner une forme, même imparfaite, à des émotions encore confuses, parfois trop intenses pour être simplement pensées.

La page devient alors un lieu de réception, un espace suffisamment neutre et stable pour accueillir ce qui, autrement, resterait à l’état de masse informe.

L’écriture joue aussi une fonction d’auto-régulation, souvent très fine.
Le simple fait de ralentir, de chercher des mots, de laisser la phrase se construire impose un rythme qui, peu à peu, agit sur le corps lui-même, apaise le système nerveux, permet parfois de retrouver une continuité intérieure là où tout semblait morcelé.

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Pour certaines personnes, écrire n’est pas un loisir ni une pratique créative parmi d’autres, mais un véritable appui psychique, parfois construit très tôt, comme une manière de survivre émotionnellement à des contextes difficiles.

Enfin, écrire seule permet souvent une première mise en sens de son histoire.
Des liens apparaissent, des souvenirs remontent, des compréhensions émergent, parfois de façon inattendue, donnant l’impression que quelque chose s’organise enfin là où tout semblait jusque-là éclaté.

Tout cela est réel.
Tout cela est précieux.
Et cela mérite d’être reconnu pleinement.

Ce qui, pourtant, peut se figer dans l’écriture solitaire

Et pourtant, malgré ces effets souvent bénéfiques, beaucoup de personnes sentent, à un moment donné, que leur écriture commence à tourner autour des mêmes thèmes, à reprendre les mêmes formulations, à raconter, encore et encore, une histoire déjà connue, sans que quelque chose se déplace vraiment en profondeur.

Il ne s’agit pas d’un manque de lucidité, ni d’un défaut de travail sur soi.
Il s’agit simplement du fait que, lorsque l’on écrit seul, on écrit toujours depuis le même point psychique, avec ses propres défenses, ses propres récits déjà constitués, ses propres angles morts.

Certaines phrases deviennent familières, presque rassurantes.
Certaines interprétations se stabilisent au point de ne plus être questionnées.
L’écriture soulage, mais elle peut aussi, sans que l’on s’en rende compte, consolider certaines boucles internes, comme la culpabilité, la rumination, une dureté envers soi-même ou une manière très ancienne de se raconter.

Sans regard extérieur, il devient également difficile de distinguer clairement ce qui relève du passé de ce qui appartient au présent.
Une émotion actuelle peut être la réactivation d’une mémoire ancienne.
Un conflit intérieur peut masquer une loyauté plus profonde, plus silencieuse.

On écrit, mais on reste dedans, parfois longtemps.

Auto-thérapie par l’écriture : une notion à manier avec prudence

C’est souvent à ce moment-là que surgit l’idée d’« auto-thérapie par l’écriture ».
Le terme est compréhensible, parce que l’écriture soutient réellement, qu’elle permet de traverser, d’élaborer, de tenir.
Mais il mérite d’être nuancé.

L’écriture peut être auto-soutenante, oui.
Elle peut accompagner un mouvement intérieur, parfois de manière très fine.
Mais la thérapie suppose autre chose : la présence d’un tiers, un cadre, une élaboration qui ne repose pas uniquement sur l’auto-interprétation.

Sans cela, on peut aller mieux sans aller plus loin, ou aller plus loin sans être suffisamment contenue.
Ce n’est pas une question de maturité personnelle ou de volonté.
C’est une question de structure psychique.

Ce que change réellement l’écriture accompagnée

La différence essentielle entre écrire seule et être accompagnée ne tient ni à la consigne, ni à la méthode, ni à la technique employée.
Elle tient à la présence du tiers.

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Un tiers qui n’écrit pas à la place de l’autre, qui n’interprète pas de manière intrusive, mais qui regarde, écoute, et renvoie ce qui est déjà là, parfois là où la personne ne regarde plus.

Dans l’écriture accompagnée, ce sont souvent des éléments très discrets qui prennent soudain une importance nouvelle : un mot qui revient obstinément, une tension dans le texte, une contradiction, un silence récurrent.
Ce regard extérieur permet un déplacement du regard intérieur.

Le tiers joue également une fonction de régulation.
Il permet que certaines choses émergent sans que cela devienne débordant, dissociant ou trop violent psychiquement.
Le cadre, lui aussi, protège : du trop, du trop vite, du trop profond sans appui.

Il devient alors possible d’explorer sans se perdre.

Accompagnement et autonomie : une opposition trompeuse

La crainte de perdre son autonomie est fréquente, comme si être accompagnée signifiait ne plus pouvoir écrire seule.
Dans la réalité clinique, c’est souvent l’inverse qui se produit.

L’accompagnement permet de mieux repérer ses propres mécanismes, de comprendre comment on écrit quand on se protège, mais aussi comment on écrit quand on se respecte davantage.
Il ouvre ensuite la possibilité d’une écriture plus libre, plus juste, plus contenante.

Il ne s’agit pas d’écrire avec quelqu’un pour toujours, mais d’apprendre comment on peut ensuite écrire seule autrement.

Écrire seule avec un cadre : la version Standard de Plumes thérapeutiques

Dans Plumes thérapeutiques, la version Standard n’a jamais été pensée comme une version allégée, ni comme une proposition minimale destinée à celles et ceux qui auraient « moins besoin » ou « moins à travailler ».
Elle repose au contraire sur une structure très construite, progressive, réfléchie, qui offre un véritable cadre d’exploration intérieure, même en l’absence d’un accompagnement individualisé.

Écrire seul, dans ce contexte-là, n’a rien à voir avec le fait d’écrire sans repères, sans consignes, sans fil conducteur, en se laissant porter uniquement par ce qui vient, au risque parfois de rester enfermée dans les mêmes zones, les mêmes récits, les mêmes mouvements intérieurs.

La version Standard propose un chemin, et non une simple invitation à écrire.
Les consignes ne sont pas là pour déclencher l’inspiration ou « donner des idées », mais pour orienter le regard intérieur, déplacer légèrement le point d’appui psychique, permettre d’aborder certaines zones sans s’y perdre, et surtout éviter que l’écriture ne reste cantonnée à ce qui est déjà connu, déjà formulé, déjà raconté.

La progression du programme joue ici un rôle fondamental.
Elle permet de ne pas tout ouvrir en même temps, de ne pas aller trop vite, de ne pas solliciter des couches psychiques profondes sans préparation, mais aussi de ne pas rester indéfiniment à la surface.
Ce cadre agit comme une contenance silencieuse : il soutient, il structure, il sécurise, même lorsque l’on écrit seule.

Pour certaines personnes, cette forme d’accompagnement indirect est précisément ce qui convient à un moment donné de leur vie.
Elles ont déjà une capacité d’introspection, une familiarité avec l’écriture, parfois même une longue pratique personnelle, mais ressentent le besoin d’un cadre plus rigoureux, plus cohérent, plus protecteur que l’écriture totalement libre, sans pour autant souhaiter exposer leur texte ou entrer dans une relation d’accompagnement direct.

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Dans ce cas-là, la version Standard n’est pas un compromis.
Elle est un choix juste.

Quand le besoin d’être entendue devient central

Pour d’autres personnes, au fil du travail d’écriture, quelque chose se déplace.
Ce n’est pas nécessairement plus douloureux, ni plus grave, ni plus « profond » au sens spectaculaire du terme, mais plus sensible, plus chargé, plus impliquant subjectivement.

Un besoin peut alors émerger : celui de ne plus rester seule avec ce qui s’écrit.

Ce besoin n’est pas une demande de réassurance, ni une recherche de validation extérieure.
Il s’agit souvent d’un désir très précis, parfois difficile à formuler : celui d’être entendue dans la singularité du texte, d’avoir en face de soi un regard capable de repérer ce qui se dit à travers l’écriture, y compris là où la personne elle-même n’en a pas encore pleinement conscience.

À ce moment-là, l’accompagnement prend un autre sens.
Il ne vient pas répondre à une fragilité particulière, ni réparer une insuffisance de l’écriture seule, mais accompagner un mouvement intérieur qui appelle la présence d’un tiers, non pas pour diriger, mais pour soutenir, contenir, et permettre un déplacement psychique qui ne peut plus se faire dans la solitude.

Trouver ce qui est juste pour soi

Il n’existe pas de réponse universelle, ni de parcours idéal.
Ce qui est juste à un moment donné peut ne plus l’être quelques mois plus tard, et inversement.

Certaines questions peuvent toutefois servir de repères, non pas pour décider rationnellement, mais pour écouter ce qui se joue intérieurement :

  • Est-ce que mon écriture m’apaise réellement, ou m’épuise-t-elle davantage qu’elle ne me soutient ?
  • Ai-je le sentiment d’explorer de nouvelles zones, ou de revenir toujours au même endroit ?
  • Ai-je besoin, en ce moment, de rester seule avec mon écriture, ou ressens-je le besoin qu’un tiers soit présent ?
  • Le cadre que j’ai est-il suffisamment contenant, ou trop lâche pour ce que je traverse actuellement ?

Ces réponses ne sont jamais figées.
Elles évoluent avec le temps, avec les périodes de vie, avec ce que l’écriture met en mouvement.

Et c’est précisément pour cela qu’il est important de ne pas penser ces différentes modalités comme opposées, mais comme complémentaires dans le temps.

En conclusion

Écrire seul et être accompagné ne s’opposent pas.
Il ne s’agit pas de deux philosophies concurrentes, mais de deux modalités qui répondent à des besoins psychiques différents, parfois successifs, parfois alternés.

L’écriture solitaire, lorsqu’elle est soutenue par un cadre solide, peut être un refuge précieux, un espace de travail intérieur profond, structurant et transformateur.
L’accompagnement, lorsqu’il devient nécessaire, ouvre un autre type de mouvement, où la présence du tiers permet de ne plus porter seule ce qui se révèle.

Et parfois, le simple fait de comprendre finement cette différence — sans hiérarchie, sans jugement — constitue déjà un premier pas vers une relation plus juste à son écriture, et à soi-même.


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Psychologue et écrivain, je partage dans mon site des articles sur l'écriture thérapeutique.

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