Les 3 livres qui ont changé ma vie (et ma manière d’écrire)
Quand un livre devient un seuil
Certains livres ne sont pas seulement des lectures. Ils sont des seuils. On les ouvre un jour, sans savoir qu’ils vont nous ouvrir en retour. Ils deviennent des balises dans notre histoire, des éclaireurs dans la nuit. Ils nous accompagnent bien après la dernière page, comme des voix intérieures qui continuent de murmurer : « Ose ».
Dans mon parcours, l’écriture a toujours été là, tapie dans l’ombre, à la fois désir et crainte. Écrire… mais comment ? Avec quelle légitimité ? Et pour dire quoi ? Longtemps, j’ai cru que la littérature appartenait à une élite, que les écrivains étaient nés sous une étoile que je n’avais pas. Puis, un jour, des livres sont venus frapper à ma porte.
Ils ne m’ont pas seulement appris à écrire. Ils m’ont appris à vivre, à comprendre mes peurs, à les transformer en pages. Ces livres m’ont enseigné que l’écriture n’est pas une performance, mais une traversée.
Aujourd’hui, je veux t’emmener avec moi sur ce chemin. Voici les trois livres qui ont changé ma vie – trois livres qui ont façonné mon rapport à l’écriture, à moi-même, et au monde.
Cet article participe à l’événement interblogueurs “Les 3 livres qui ont changé ma vie” du site Des Livres Pour Changer de Vie. J’apprécie beaucoup ce site, et l’un de mes articles préférés est Écriture: mémoires d’un métier
Sur l’écriture – Stephen King
(Titre original : On Writing)
Quand la littérature descend de son piédestal
Je me souviens très bien du jour où j’ai ouvert ce livre. J’étais intimidée par mon désir d’écrire. Une voix en moi me répétait : « Tu n’es pas assez cultivée, pas assez brillante. » Écrire appartenait, pensais-je, à un cercle fermé, réservé aux « vrais écrivains ».
Puis Stephen King est arrivé. Avec sa simplicité brute, il a tout balayé : les poses, les illusions, la sacralisation excessive. Dans Sur l’écriture, il raconte son parcours sans fard, ses échecs, ses refus, ses heures passées à taper dans un coin de table. Il dit que l’écriture est un métier, pas un miracle. Une pratique, pas une grâce tombée du ciel.
La phrase qui m’a libérée
Ce qui m’a libérée dans ce livre, c’est cette phrase que j’ai soulignée :
« On ne devient un écrivain qu’en lisant et en écrivant. Nul besoin de faire des classes ou des séminaires. Faulkner a appris son métier alors qu’il travaillait à l’office de poste. Vous apprenez plus en lisant et écrivant beaucoup, et les meilleurs conseils d’écriture ne viennent que de soi. »
Tout est là : pas de diplôme nécessaire, pas de légitimité octroyée par d’autres. Il suffit d’ouvrir un livre, puis d’oser remplir ses pages. Cette idée a désacralisé la littérature pour moi. Elle m’a permis de comprendre que l’écriture est un chemin qui se trace en marchant, à force de lire et d’écrire.
Cette phrase a cassé mes excuses. Elle m’a donné la permission d’essayer, d’écrire mal, d’écrire encore. De comprendre qu’un premier jet n’est qu’une porte ouverte, pas une œuvre achevée.
King m’a appris la persévérance, la régularité, l’humilité. Et surtout : à oser être imparfaite.
Mini-consigne d’écriture
Prends ton carnet. Écris un souvenir banal, comme si tu le racontais à un ami. Oublie le style parfait, oublie la recherche du beau. Écris simplement, sans lever le stylo. Laisse la vie passer dans tes mots.
Écrire : dépasser les peurs qui nous limitent – Eudes Séméria
Quand écrire devient un chemin intérieur
Des années plus tard, alors que j’avais déjà publié, j’ai rencontré ce livre. Il ne s’agissait plus seulement d’oser écrire : il s’agissait de comprendre pourquoi l’écriture me traversait comme une nécessité, pourquoi elle me guérissait autant qu’elle me bousculait.
Eudes Séméria, psychologue et thérapeute existentiel, pose une question qui m’a bouleversée :
« Que faire de notre désir d’écrire quand des peurs nous musèlent ? »
Il explique que grandir pour écrire et écrire pour grandir sont deux mouvements indissociables. Écrire ne vient pas seulement combler un vide : c’est une quête de sens, une manière de se construire. Chaque page est un fragment de nous-mêmes déposé sur le papier, pour mieux le regarder, mieux l’intégrer.
Ce que j’ai compris grâce à ce livre
Écrire, ce n’est pas seulement produire un texte. C’est un acte existentiel. Cela engage notre histoire, nos manques, nos désirs de réparation. Cela réveille des peurs : peur d’échouer, d’être ridicule, de ne pas être « légitime ». Et ces peurs ne disparaissent pas par magie : elles demandent à être traversées, apprivoisées.
Séméria propose un parcours : identifier nos blocages, comprendre leur racine, puis avancer pas à pas. J’y ai retrouvé mes propres résistances, mais aussi une clé : plus on écrit, plus on se connaît. Et plus on se connaît, mieux on écrit.
Il y a dans ce livre une phrase qui m’a profondément marquée :
« Il faut donc paraître au grand jour même si cela fait peur. […] Si vous n’osez pas dire que vous êtes écrivain maintenant, vous aurez le plus grand mal à le devenir plus tard. Osez dépasser votre peur. Annoncez-vous et apprenez ce qui doit être appris. Peu importe que vous soyez employé de banque comme Giono ou Apollinaire, inspecteur d’assurances comme Kafka, médecin comme Céline, facteur comme Charles Bukowski, étudiant, chauffeur de taxi ou quoi que ce soit d’autre : à partir du moment où vous écrivez, vous êtes un écrivain. […] Car, comme en témoignent l’expérimentation et l’observation psychologiques, c’est uniquement depuis cette place assumée d’écrivain que pourra se construire une estime de soi solide et que se déploieront de nouvelles dispositions à l’écriture. »
Ce passage a été un électrochoc. Il rappelle que l’écriture ne commence pas à la publication, mais à la décision intérieure d’assumer ce que l’on est. Écrire, ce n’est pas attendre l’autorisation : c’est se l’accorder.
Mini-consigne d’écriture
Écris la phrase suivante et complète-la sans réfléchir : « J’écris parce que… » Laisse venir toutes les réponses, même contradictoires, jusqu’à ce que le silence s’impose.
3.Les mots pour le dire – Marie Cardinal
Quand écrire devient un acte de survie
J’avais une vingtaine d’années quand j’ai lu ce livre. Je ne savais pas encore que j’allais devenir psychologue, ni que l’écriture thérapeutique serait au cœur de ma vie. Mais ce récit a planté une graine profonde.
Dans Les mots pour le dire, Marie Cardinal raconte sa psychanalyse, son corps en souffrance, ses années de silence. Elle dit la dépression, la honte, la douleur de l’indicible. Et puis, page après page, elle trouve les mots. Pas pour plaire. Pas pour briller. Pour survivre.
Ce livre m’a appris que les mots peuvent sauver. Que mettre en langage ce qui nous étouffe est parfois la seule issue. J’y ai compris qu’écrire n’est pas un luxe, mais une urgence vitale pour certaines blessures.
L’impact sur ma vie
C’est en refermant ce livre que j’ai commencé à rêver d’un métier où les mots auraient cette puissance. C’est lui qui m’a conduite vers la psychanalyse, puis la psychologie clinique, et plus tard, vers la création de Psychoplume. Parce que je sais, depuis cette lecture, qu’écrire peut changer une vie.
Ce passage m’a bouleversée :
« Parler, parler, parler, parler. “Parlez, dites tout ce qui vous passe par la tête, essayez de ne pas faire de tri, de ne pas réfléchir, essayez de ne pas arranger vos phrases. Tout est important, chaque mot.”
C’était le seul remède qu’il me donnait et je m’en gavais. Peut-être que c’était ça l’arme contre la chose : ce flot de mots, ce maelström de mots, cette masse de mots, cet ouragan de mots ! Les mots charriaient la méfiance, la peur, l’incompréhension, la rigueur, la volonté, l’ordre, la loi, la discipline et aussi la tendresse, la douceur, l’amour, la chaleur, la liberté. »
Ces lignes sont pour moi l’essence même de l’écriture thérapeutique : les mots comme passage, comme exorcisme, comme chemin vers la liberté intérieure. J’ai compris ce jour-là qu’écrire, ce n’est pas simplement “raconter” : c’est survivre par le langage.
Ce livre a été un basculement silencieux dans ma vie : il m’a conduite vers l’analyse, puis vers le métier de psychologue, et bien plus tard, vers la création d’espaces où d’autres peuvent, à leur tour, apprivoiser leurs tempêtes avec des mots.
Mini-consigne d’écriture
Choisis une douleur muette. Donne-lui une phrase. Une seule. Puis écoute ce qui vient après. Peut-être un souffle, peut-être un sanglot, peut-être une paix fragile.
Conclusion : Trois livres, trois clés
Ces trois livres m’ont donné trois clés :
- Stephen King m’a appris à écrire sans attendre la perfection.
- Eudes Séméria m’a montré que l’écriture est un chemin pour se connaître.
- Marie Cardinal m’a révélé que les mots peuvent sauver.
Si je les partage aujourd’hui, c’est parce que je crois qu’ils peuvent être des seuils pour toi aussi. Pas pour te transformer en écrivain « parfait », mais pour t’accompagner dans cette aventure intime : oser écrire pour te rencontrer.
Prends un carnet. Commence par une phrase. Même maladroite, même tremblante. Parce qu’entre tes mains, ce n’est pas seulement du papier : c’est un espace pour respirer.
Et toi ?
Quels livres ont marqué ton histoire ? Quels mots t’ont ouvert une porte que tu croyais fermée ? Si tu veux, écris-le dans ton journal… ou partage-le ici, dans les commentaires.
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2 commentaires
Sylvie
Je n’ai lu aucun de ces livres mais l’impact qu’ils ont eu sur toi est incroyable. Je serais intéressée par la découverte de Les mots pour le dire de Marie Cardinal car ce passage « Parlez, dites tout ce qui vous passe par la tête, essayez de ne pas faire de tri, de ne pas réfléchir, essayez de ne pas arranger vos phrases. Tout est important, chaque mot. » m’évoque le travail que l’on peut faire également en sociologie ou pour l’écriture d’un documentaire.
Olivia
Merci beaucoup pour ton commentaire !
Oui, ce passage est fondamental: il s’appuie sur la règle de base de la psychanalyse – celle de l’association libre. Dire tout ce qui vient, sans censure, sans chercher la « bonne » phrase, permet de contourner la logique rationnelle et de laisser émerger ce qui était enfoui.
La sociologie ou le documentaire cherchent elles aussi à capter le réel dans sa nudité, sans le lisser, sans le travestir. Dans l’écriture thérapeutique, c’est ce même principe qui ouvre un espace de liberté et de vérité.
Si tu lis Les mots pour le dire, tu verras combien cette immersion dans le langage brut a été pour Marie Cardinal une arme contre le silence et la souffrance. Ce n’est pas un livre « confortable », mais il est profondément libérateur.