Ecrire à partir d'un objet
L'écriture thérapeutique

Les objets qui me racontent : écrire à partir de la mémoire silencieuse des choses

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Il y a des objets qui traversent notre vie comme des ombres, presque invisibles. Et d’autres qui résistent. Qui s’incrustent dans le paysage intime de notre quotidien, au point de devenir des morceaux de nous-mêmes. Ce sont ces objets-là qui nous intéressent aujourd’hui : ceux qui nous racontent. Pas parce qu’ils parlent, bien sûr. Mais parce qu’ils gardent la trace. Des absents. Des gestes. Des transformations. Des ruptures. Des recommencements.

En écriture thérapeutique, les objets ont une puissance toute particulière. Ils sont les gardiens silencieux d’histoires que nous avons parfois oubliées ou tues.

Écrire à partir d’un objet, c’est entrer dans un dialogue inattendu avec notre propre histoire. C’est se laisser surprendre par une émotion logée dans une matière, un poids, une usure. Et souvent, c’est ouvrir une porte vers une part de soi que l’on croyait révolue, ou inintéressante, ou trop douloureuse pour être revisitée.

Quand un objet devient témoin

Un porte-clé usé. Une bague transmise. Une écharpe oubliée. Un cahier vierge. Ces objets, en eux-mêmes, ne sont rien. Mais ils deviennent tout, dès lors qu’on leur accorde le pouvoir de nous raconter. Ils n’ont pas de voix, mais ils ont une mémoire. Une mémoire sans mots, que l’écriture peut réveiller.

La psychanalyste D. W. Winnicott parlait d’objets transitionnels, ces peluches ou couvertures que les enfants utilisent pour faire le pont entre eux-mêmes et le monde. Les adultes aussi ont leurs objets transitionnels. Ce stylo que l’on tient toujours pour écrire son journal. Ce pull qu’on ne parvient pas à jeter. Cette montre que l’on continue de porter, même si elle ne fonctionne plus. Ils nous relient à un temps, à une part de nous, à un autre.

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Ces objets deviennent parfois des lieux de mémoire à une échelle purement intime. Ils condensent une émotion, une ambiance, une étape de vie.

Ils incarnent une histoire que le langage n’a pas toujours su dire au moment où elle se vivait. Et c’est là que l’écriture peut opérer : non pas pour documenter l’objet, mais pour révéler ce qu’il cristallise en nous.

L’objet comme support projectif

Écrire à partir d’un objet, c’est souvent écrire sur soi sans se heurter frontalement à la douleur ou à la difficulté.

Le détour par l’objet permet une mise à distance , tout en conservant l’intensité émotionnelle de l’expérience.

En psychologie projective, on parle d’objets médiateurs : un support qui reçoit les projections du sujet. L’objet peut alors faire émerger des associations libres, des souvenirs, des émotions enfouies. Il agit comme un déclencheur doux, une porte d’entrée vers une parole possible.

Un simple pull peut réveiller le souvenir d’une époque précise, de l’odeur d’un lieu, d’une relation que l’on croyait avoir oubliée. Une vieille valise peut contenir bien plus que des vêtements : elle peut abriter une séparation, un départ, une renaissance.

L’objet agit alors comme un écran où notre histoire intime se projette. Et l’écriture vient recueillir ces projections, les structurer, leur offrir un espace d’élaboration.

Ce que les objets disent de nous (même quand on ne les écoute pas)

Il y a mille manières d’être attaché à un objet. Et parfois, cet attachement est plus profond qu’on ne l’imagine. Pas seulement parce que « ça nous rappelle un souvenir », mais parce que l’objet joue un rôle pour nous, souvent sans qu’on en ait conscience.

Certains objets nous rattachent à une personne — vivante ou disparue. Ils prolongent un lien. Ils nous aident à ne pas perdre complètement ce qui nous a été précieux.

D’autres nous aident à tenir debout dans les moments de fragilité : une écharpe qu’on enroule autour de soi quand tout semble trop dur, un carnet dans lequel on écrit pour ne pas sombrer, un objet qu’on serre dans sa poche comme un ancrage. Ce sont des objets qui nous soutiennent de l’intérieur, comme s’ils portaient une part de nous quand on n’y arrive plus.

Il y a aussi ces objets qui, sans qu’on sache pourquoi, nous attirent ou nous obsèdent. On ne peut pas s’en séparer, ou au contraire, on ne veut plus jamais les revoir. Ils touchent à quelque chose de plus profond, parfois lié à une blessure ancienne, à un désir enfoui, à un manque qu’ils viennent combler, un tout petit peu.

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Et puis, il y a ces objets qui nous permettent d’être nous-mêmes, vraiment. Comme s’ils maintenaient notre équilibre. Notre carnet d’écriture. Notre montre. Notre stylo fétiche. Ce ne sont pas de simples outils. Ils deviennent des extensions de nous, des façons d’exister, de nous relier à qui nous sommes quand tout vacille.

Dans tous ces cas, l’objet n’est pas qu’un souvenir : il devient un personnage discret de notre histoire psychique. Un compagnon, un témoin, un soutien.

Et l’écriture permet justement de donner forme à ce lien invisible, de le comprendre, de le transformer, parfois même de s’en libérer.

Objets visibles, objets invisibles

Il y a les objets que l’on montre, ceux que l’on expose, et ceux que l’on cache. Certains trônent dans une bibliothèque, d’autres sont relégués dans une boîte au fond d’un tiroir. Ce n’est pas un hasard.

Les objets que l’on cache sont souvent les plus chargés symboliquement. Ils portent des fragments de vie que l’on n’est pas encore prêt à affronter pleinement. Ou bien que l’on souhaite protéger. Ce sont des objets secrets, des talismans, parfois même des poids. Mais ils sont aussi des gardiens fidèles de notre vulnérabilité.

Et puis il y a les objets absents. Ceux que l’on a perdus. Jetés, donnés, oubliés. Leur absence nous raconte tout autant que leur présence. Ils dessinent des manques, des deuils, des transformations.

Écrire sur un objet perdu peut être un acte puissant de réparation, de mémoire, voire de réconciliation.

Ce que l’écriture permet

L’écriture permet de faire parler ces objets muets. Non pas en leur prêtant une voix fictive, mais en traduisant en mots ce qu’ils réveillent en nous. Elle permet aussi de les transformer, symboliquement. D’en faire quelque chose de vivant, d’actif.

Dans l’acte d’écriture, l’objet devient personnage, décor, symbole. Il change de statut : il n’est plus seulement porteur d’un souvenir, il devient outil de création de sens. En cela, il participe d’un processus thérapeutique profond.

Par exemple :

  • Une bague de fiançailles jamais portée peut devenir le point de départ d’une réflexion sur le renoncement, les promesses non tenues, ou le choix de soi.
  • Un carnet vierge peut symboliser un avenir possible, une page encore blanche à inventer.
  • Un foulard imprégné d’une odeur perdue peut être le vecteur d’une lettre à une personne disparue.

L’écriture permet aussi de se détacher. Parfois, en écrivant sur un objet, on parvient à s’en libérer. À ne plus le garder comme une relique figée, mais comme une trace vivante que l’on peut intégrer autrement.

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Une démarche à la fois douce et puissante

Il est essentiel de rappeler que ce type d’écriture, bien que très simple en apparence, peut réveiller des émotions profondes. Il convient de l’aborder avec délicatesse, sans forcer.

Tu peux écrire en gardant l’objet près de toi, le toucher, l’observer longuement. Ou au contraire, écrire de mémoire, en fermant les yeux. Tout est bon. Il n’y a pas de bonne manière de faire, seulement une invitation à te laisser traverser.

Il ne s’agit pas d’écrire un texte « réussi » ni même « beau », mais d’oser la rencontre entre un objet et ton histoire.


✍️ Consigne d’écriture : Choisis un objet et laisse-le te raconter

Voici une proposition pour accompagner ton écriture aujourd’hui. Prends un moment au calme, installe-toi avec un carnet.

  1. Choisis un objet.
    Pas forcément le plus précieux. Laisse-toi guider par l’intuition. Peut-être un objet que tu regardes tous les jours sans vraiment le voir.
  2. Observe-le.
    Sa forme, sa couleur, son poids, sa texture, son odeur. Où l’as-tu trouvé ? Depuis quand est-il là ? A-t-il changé avec le temps ? Est-il intact ? Usé ?
  3. Laisse venir les souvenirs.
    Qu’associes-tu spontanément à cet objet ? Une période de ta vie ? Une personne ? Une émotion ?
  4. Écris en suivant une ou plusieurs de ces amorces :
    • « Je me souviens de ce jour où cet objet est entré dans ma vie… »
    • « Cet objet sait des choses que j’ai oubliées. »
    • « Ce que j’aimerais dire à cet objet, c’est… »
    • « Je n’ai jamais pu me débarrasser de lui parce que… »
    • « C’est le seul objet que j’ai gardé de cette époque, et il me parle de… »
  5. Écris sans t’arrêter pendant 15 à 20 minutes.
    Laisse la main écrire. Laisse l’objet t’amener là où tu n’avais pas prévu d’aller.

Pour aller plus loin

Tu peux refaire cette consigne avec plusieurs objets. Tenir une sorte de petit « carnet des choses silencieuses », où chaque entrée serait l’histoire d’un objet qui a compté. C’est un exercice particulièrement précieux dans les périodes de transition, de deuil, ou de perte de repères.

Les objets sont souvent plus fiables que les mots quand on ne sait pas encore quoi dire. Ils savent avant nous. Et parfois, ils nous aident à savoir.

Si tu veux aller plus loin dans ce travail d’exploration, tu peux rejoindre un de mes ateliers d’écriture thérapeutique, où chaque objet, chaque souvenir, chaque fragment de vécu peut devenir une matière sensible à transformer en mots, en résonance avec d’autres.

Et toi, quel est l’objet qui te raconte en ce moment ?


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Psychologue et écrivain, je partage dans mon site des articles sur l'écriture thérapeutique.

Un commentaire

  • Sylvie

    Ton article autour des objets résonne particulièrement avec ma pratique.
    Je compose souvent des haïku à partir d’objets — parfois porteurs de mémoire, parfois « neutres », mais qui, sans qu’on sache pourquoi, viennent toucher quelque chose de personnel.
    L’écriture permet de révéler l’empreinte intime que ces objets laissent en nous, souvent à notre insu.

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